Réapparition du vers-libriste en Adidas.
Chaque fois qu'il vient en France, Ben Harper pratique un tourisme
singulier. Quand d'autres, profitant d'un break entre deux interviews, vont s'émerveiller
au pied du Sacré-Coeur - ce dont on est flattés, nous autres Gaulois
- lui, traîne sa carrure d'athlète chez Adidas. Il y essaie le dernier
jogging, les dernières baskets : en client fidèle et apprécié,
il échange même quelques mots avec les vendeurs, ravis de pouvoir rôder
leur argumentaire auprés d'une célébrité.
Au début du mois prochain, pourtant, Ben Harper risque
bien de manquer de temps pour de nouveaux essayages. Le 14 au Parc des Princes, dans
le cadre du festival "Rock à Paris", le slider laconique assurera
la promotion de son troisième album "The Will To Live".
Fort des 100'000 exemplaires vendus de "Fight For Your Mind", le
folksinger californien arrive quasiment en pays conquis. Comme chaque fois, on attend
de lui qu'à la manière d'un prophète il répande "l'Eternal
positive vibration", devenue la formule consacrée de ses autographes.
Qu'il nous fasse frémir surtout, au son du bottleneck, au rythme de sa Weissenborn.
Dans l'esprit, "
The Will To Live" n'est pas bien
différent des précédents albums. Profondément ancré
dans la tradition du blues (Blind Willie Johnson et Missisippi John Hurt étant
ses principales influences), Ben Harper continue, sous la houlette de Plunier, d'élargir
les horizons du slide électrique. Entres autres pièces de choix,
Roses
From My Friends, qui dure pas moins de six minutes, utilise des parties renversées
de slide, enregistrées sur un huit-pistes. "
C'est le genre de
morceau que tu ne peux pas travailler hors studio. Tu peux juste te faire une idée
de ce que ça va donner. Mais pour te rendre compte, il faut la travailler
sur le matériel. C'est pour cette raison qu'elle a demandé plus de
temps."
Expression de sa fibre rastafarienne, Jah Work est un des
temps forts de l'album, puisqu'y participe Al Anderson, guitariste
de Bob Marley & The Wailers. Sur l'instrumental Number Three, qui permet d'apprécier
le son d'une Guild 12-cordes, Ben Harper délaisse le slide pour nous gratifier
d'un flatpicking envoûtant. Dans l'ensemble donc, le nouvel album de Ben Harper
constitue une belle ballade dans l'univers du slide, même si un break distordu
ou un solo exhaustif, aussi innatendu que facile, fait parfois tache.
Si Ben Harper s'autorise de temps à autre des rencontres
qui surprennent (Pearl Jam et Dave Matthews), en revanche, il reste un inconditionnel
de Plunier, une fois de plus derrière la console. "On est très
amis ; c'est le meilleur producteur que j'aie jamais rencontré. Pour moi,
c'est une sorte de Phil Spector ou de George Martin. C'est un génie et j'aime
travailler avec des génies car ça me permet de donner le meilleur
de moi-même." Quant au processus de composition, il n'a pas souffert
de la pression qu'aurait pu représenter son disque d'or, "Fight For
Your Mind". Au contraire des musiciens qui se nourrissent de l'urgence,
lui, soigne ses compos comme un luthier polit le bois de sa guitare. "La
clé pour composer, c'est de ne rien précipiter. Si jamais tu as une
idée qui retient ton attention et qu'en cours de route, tu es en manque d'inspiration,
mieux vaut t'arrêter, pour laisser respirer ton esprit. Après, tu peux
t'y remettre; mais il ne faut surtout pas se forcer."
Côté matériel, Ben a sensiblement élargi
sa palette d'instruments. Mis à part les Weissenborn dont il ne se sépare
jamais, il a utilisé une Martin 00-18, une Gibson LJ-1, datant des années
trente, des guitares Round-neck et des modèles Tele des sixties. En guise
d'amplis, un Groove Tube Solo et un Fender Highpower Twin de 1958. Résolument
plus zen que Prodigy ou No One, le chantre de la slide guitare sera donc le bienvenu,
début juin, pour imposer une accalmie spirituelle, au milieu d'un déluge
sonique.
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