Avant son Zénith du mois d'octobre, Ben Harper est venu
en France défendre son troisième album, plus électrique que
jamais.
Benjamin Harper est attendu en France comme le messie. Ayant conquis
essentiellement par le bouche à oreille l'adoration de son public aujourd'hui
vaste, il tente tant bien que mal de rester le même homme qu'au premier jour
: un humble musicien. Difficile de rester humble lorsque l'homme est si beau, si
submergé de flatteries et appuyé par un lourd plan marketing. Le criminel
innocent poursuit cependant sa quête, et avec "The Will To Live",
troisième album aux sonorités bien éloignées du néo-blues
terreux de "Welcome To The Cruel World", il est presque arrivé
à ses fins. Avec une pochette qui s'ouvre sur des photos d'animaux morts
après avoir ingurgité l'eau d'une mare situé à quelques
kilomètres d'un site d'essais nucléaires, ("c'est une idée
de JP, il fait mes pochettes") une nouvelle page musicale est tournée.
Cette fois Ben Harper fait sonner sa guitare acoustique comme une guitare électrique,
en bon héritier de Jimi qu'il est ; et grâce à de longues heures
de dévotion à la musique.
"Ça m'a demandé énormément
de travail pour arriver à faire sonner une guitare slide comme ça.
Mais c'est un tel acomplissement, je commence juste à sentir que j'arrive
enfin à quelque chose, à un point où je contrôle vraiment
ce que je fais."
La comparaison avec Hendrix l'explorateur des sons se fait plus
qu'évidente. "Jimi était trop bon, c'était de la
magie qui s'échappait de ses doigts. Des gars comme lui sont incomparables.
Je l'écoute tellement qu'il fait bien que ça sorte quelque part dans
mon inspiration. Quand on me dit ça, je ne le prend pas au pied de la lettre.
Jimi Hendrix est un classique, il a inspiré tous les guitaristes et je ne
suis qu'un de ceux-là."
Autre exercice de style approfondi du californien, après
le féministe Mama's Got A Girlfriend, la douce complainte féminine
de Widow Of A Living Man. "J'écris les chansons de manières
très différentes. J'écris des chansons punk-rock, reggae, country,
blues, classique, avec des orchestrations, j'écris toutes sortes de musiques,
que je ne joue pas, bien souvent, parce que je ne me sens pas à l'aise pour
ça. Quelquefois, j'écris des chansons qui ne me semblent pas vraiment
faites pour moi, mais c'est bien de se forcer à les faire, ou que quelqu'un
te force à les faire de toute façon, parce que ça oblige à
un certain progrès, et Widow Of A Living Man est une de celles-la. La première
fois que je l'ai écrite, je me suis dit : "Non, je vais envoyer cette
chanson à Emmylou Harris ou Dolly Parton, à une femme, je ne peux
pas faire ça. Mais mes amis m'ont dit : "Tu dois la faire, c'est tout
aussi fort que ça vienne d'un homme". Je me suis dit qu'ils avaient
raison. Et puis j'ai réfléchi au delà de cela, ce n'est pas
seulement du point de vue de la femme, mais aussi le point de vue de l'enfant de
cette femme, qui entend sa mère pleurer en se confiant à sa mère
à elle ; sa grand mère. C'est aussi le point de vue de l'homme qui
traite sa femme si mal, il semble qu'il s'en sente très coupable. C'est la
première fois que je traite une chanson sous autant d'angles différents,
et j'en suis fier."
Autre innovation, l'intervention d'une guitare électrique
sur Glory And Consequences. "Je ne voulais pas le faire, au début,
mais JP avait amené sa guitare électrique dans le studio, une Telecaster,
dont il jouait quand on faisait un break pendant les enregistrements. Glory And
Consequences était fait, il n'y avait pas de guitare électrique. Il
m'a dit : "Pourquoi tu n'essaies pas d'ajouter un peu de guitare électrique
dessus ? Et j'ai fait : "No-way." (Pas question) "Allez, essaie...
- "Non". -Allez, fais-le pour moi ; essaie." Je l'ai branchée
dans un vieil ampli Fender Twin 58 avec des micros originaux. Ils ont rembobiné
la cassette, et j'ai joué dessus du début jusqu'à la fin, en
une seule prise. Je l'ai débranchée, et voilà." Et
voilà comment l'homme qui avait pourtant juré ne jamais se mettre
à la guitare électrique après Hendrix (encore lui !) finit par
échanger sa Weissenborn des années 1910 pour une Telecatser. Mais
c'est sans doute la première et dernière fois. "La Weissenborn
ne sonne pas de toute façon comme toutes les autres guitares acoustiques.
A l'écouter, tu peux dire que ce n'est pas une Strat ou une Les Paul, le
son est différent, du moins j'espère, c'est un son électrifié
mais différent. Ça sonne électrique mais c'est acoustique."
Sandra Salazar.
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